L’Autorité polynésienne de la concurrence est une autorité administrative indépendante, mais cela n’empêche pas qu’un « Commissaire du gouvernement » y soit dépêché. On peut regretter l’appellation un brin stalinienne, mais sa fonction est tout à fait légitime, puisqu’il s’agit d’informer le gouvernement sur les enjeux des dossiers et lui permettre de formuler des observations. Ce qui, en l’occurrence, est bien normal puisqu’il faut se rappeler que la politique de concurrence est une sous-partie de la politique économique du Pays et qu’en la matière, la seule légitimité démocratique est celle du gouvernement dont la composition résulte du choix des urnes.
Certaines procédures plus complexes, comme le pouvoir d’évocation (article LP. 310-7-1), impliquent aussi que le gouvernement soit au fait des procédures en temps réel, du moins pour le contrôle des concentrations. En toute hypothèse, ces observations ne lient pas l’Autorité qui reste indépendante.
Or, depuis la prise de fonctions du nouveau gouvernement, ce poste de commissaire du gouvernement est vacant. Non pas que la fonction « tombe » avec un changement de majorité, mais l’article LP. 610-2 III du code de la concurrence dispose que « le commissaire du gouvernement (…) est choisi parmi les fonctionnaires et agents non titulaires de catégorie A ». Rappelons que le précédent commissaire du gouvernement, fonctionnaire aujourd’hui retraité, avait été nommé en qualité de directeur de cabinet du ministre de l’Économie. Cette fonction éminemment politique étant tombée avec l’élection de la nouvelle majorité et l’intéressée ayant atteint l’âge de la retraite, un nouveau commissaire du gouvernement doit donc être nommé.
La fonction de commissaire du gouvernement est certes moins cruciale que celle des membres du collège, qui doivent également être prochainement renouvelés, avec des enjeux très forts, notamment de collégialité (cf. « Manque-t-il vraiment des outils juridiques à l’APC ? », La Dépêche, 25 août 2023). Mais cette fonction de « ComGov » reste pour autant importante, car elle assure la parfaite connaissance de tous les enjeux d’un dossier et permet, le cas échéant, de s’assurer que la licéité des procédures internes de l’APC est bien respectée. On se souvient à cet égard que le premier commissaire du gouvernement, plus juridique que politique, s’était inquiété des procédures dans l’affaire des boissons réfrigérées, craignant à juste titre que les irrégularités commises fragilisent les décisions prises. Ce que les plus hautes juridictions nationales (cour d’appel et cour de cassation) ont confirmé, en sanctionnant sans équivoque les errements du président de l’APC.
Depuis mai dernier, quelques affaires ont été traitées par l’APC, sans mentionner la présence ou l’intervention du commissaire du gouvernement au cours des procédures. Et pour cause, puisque le poste est resté vacant…
L’article précité LP. 610-2 III du code de la concurrence dispose également que « le commissaire du gouvernement auprès de l’Autorité est désigné par arrêté du Président de la Polynésie française », ce qui est parfaitement normal au regard du partage de compétences défini par la loi organique statutaire. Cependant, même si la nomination est du ressort du Président de la Polynésie française, il appartenait jusqu’ici au ministre de l’Économie d’en proposer la nomination, en vertu de l’arrêté n° 402 PR du 15 mai 2013, article 8, qui incluait les questions relatives à l’APC dans ses prérogatives.

Désormais, un arrêté publié le 29 août 2023 au JOPF (n° 1056 PR du 23 août 2023) confirme le ministre de l’Économie dans ses prérogatives relatives à l’APC « à l’exception de l’acte de nomination du commissaire du gouvernement ». Cette modification subite montre très vraisemblablement que la nomination d’un nouveau « ComGov » est « dans les tuyaux », ce qui est une bonne chose pour le fonctionnement des institutions. Reste maintenant à comprendre les raisons de cette modification. Faut-il y voir un désaccord entre la présidence et le ministère quant à la conception du rôle du commissaire du gouvernement, plus juridique ou politique selon les cas ? Ou quant à la personne pressentie ? S’agit-il d’un message politique plus général ? Ou encore d’autres subtilités qui échappent à tous ceux qui ne fréquentent pas les antichambres du pouvoir ?
La nomination du nouveau commissaire du gouvernement devrait en tout cas être prochainement connue et c’est souhaitable a priori. Restera pour ceux qui seront impliqués dans les procédures à observer la qualité de son travail et la manière dont cette nomination s’articulera avec celle des membres du collège, à venir également avant le 1er octobre prochain. Pour l’ensemble de ces nominations, les enjeux seront importants, puisqu’elles ne seront pas sans conséquence sur les orientations et l’efficacité de l’action de l’Autorité.
Merci pour cet article.
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