« LIBRE OPINION » – La rédaction de PPM partage avec ses lecteurs une tribune envoyée par l’un de ses abonnés au sujet de l’actuelle Coupe du monde de football. Un véritable plaidoyer pour la rencontre entre les peuples, qu’il définit comme le « témoignage d’un modeste pratiquant très concerné par les divers enjeux de cet événement ».Et vous,…
Si je me permets de m’exprimer, c’est pour plusieurs raisons :
1/ J’ai été un pratiquant régulier du football depuis l’âge de 10 ans dans un contexte paysan où ce sport, au sein de mon village, était le seul véritable canal de promotion pour des jeunes.
2/ J’ai toujours considéré ce sport non pas comme un moyen pour faire carrière ou faire fortune mais comme un moyen d’exister socialement à travers les rencontres et les amitiés générées. Par contre, je comprends très bien que pour des jeunes issus de l’immigration dans les quartiers des grandes villes métropolitaines, ce sport, plus que tous les autres , était capital comme ascenseur social mais aussi comme révélateur d’existence et de reconnaissance publique.
3/ J’ai personnellement été un pratiquant modeste mais régulier du football et du sport en général dont j’ai toujours reconnu les vertus. Il m’a prioritairement apporté la santé, le sens de la solidarité, de la camaraderie, du respect de l’adversaire et de l’effort partagé pour la réussite de tous. C’est une véritable école de la vie et des valeurs qui sous -tendent toute vie en société.
J’ai pratiqué le football très jeune au sein de mon village de 1 000 habitants en Mayenne (53), puis au collège pour défendre les couleurs de mon institution. Devenant engagé dans la vie professionnelle, j’ai pu pratiquer ce sport, comme loisir, en Guadeloupe ou j’ai enseigné, puis à Avrillé, près d’Angers dans le club local. C’est dans le cadre de mon engagement et de mes responsabilités professionnelles qu’un collègue sportif m’a invité à m’inscrire dans l’équipe corpo des anciens professionnels du SCO d’Angers. Cela m’a permis, un peu par chance, de jouer quelques matchs avec Raymond Kopa, ancien joueur de l’équipe de France et du Real Madrid ayant aussi participé au Mondial. Il avait 50 ans et moi, 35.
Vivant en Polynésie depuis 1981, j’ai pu m’engager dans les divers championnats polynésiens (championnat corpo de l’ASPEN comme joueur et comme coach ; championnat de vétérans comme membre d’Excelsior, de Dragon, de l’OPT, de Tefana. Cette expérience vécue jusqu’à l’âge de 68 ans m’a montré combien la pratique sportive était source de partage, d’amitié de solidarité au-delà de toutes les appartenances ethniques et sociales.
Si je m’exprime, c’est aussi en vertu d’autres considérations plus générales qui ont une signification particulière dans le contexte actuel.
Ma fille (aujourd’hui décédée d’un cancer du sein à Londres) était mariée à un Marocain, Abdel, originaire de Fès, qui vit et travaille à Londres depuis de longues années (commerce de restauration). Ils ont eu trois enfants :
– Kenza (22 ans) née à Londres, étudiante en master à l’IAE d’AIX Marseille ;
– Leila (21 ans) née à Londres, étudiante en master à l’IAE d’AIX Marseille ;
– Medhi (17 ans) né à Casablanca, étudiant à Londres en sport études.

Dans le contexte sportif actuel et récent, mon gendre et mes petits enfants avaient et ont eu à se positionner pour savoir à qui ils allaient apporter leur soutien pour les prochains matchs. Leur choix étaient différents mais assez partagés car cela leur posait un défi de cœur mais aussi d’appartenance. Mon gendre a choisi le Maroc, le Pays où il est né. Pour moi, c’était parfaitement normal. Entre l’Angleterre et la France, il a choisi la France par égard pour son épouse. Son fils Medhi, footballeur et qui a été inscrit dans les écoles et les clubs anglais, est partagé entre le soutien au Maroc ou à la France, c’est-à-dire entre le choix de son père, celui de sa mère et de son grand-père qu’il adore (c’est moi). Pour les deux filles (papa marocain et maman française), les choix sont plus nuancés. Leila soutient clairement le Maroc en priorité. Kenza équilibre ses choix et pour elle, que le meilleur gagne. Cette situation familiale et le contexte du match sont intéressants car ils permettent de comprendre la complexité des engagements des uns et des autres sans que cela ne soit une cause de tensions et d’affrontements. Le cœur parle d’abord, ensuite la réalité s’impose sans que cela soit source de conflits. Chacun vit sa passion et son choix par la voix, les cris, la danse et beaucoup l’humour, et un brin de provocation joyeuse.

Pouvoir vivre cette situation est en réalité une chance et une occasion d’ouvrir son intelligence et son cœur à la tolérance et au respect de l’autre. Quelles que soient l’origine, la couleur, la religion, la culture des uns et des autres, les 22 joueurs retenus sur le terrain n’ont comme seul projet :
– montrer leurs qualités propres ;
– faire briller les couleurs et les valeurs sportives de leurs pays ;
– donner des moments chaleureux et fraternels à leurs concitoyens.
Je crois donc que cette Coupe du monde a rapproché les peuples et montré qu’il était plus censé de se confronter sur le terrain des qualités sportives plutôt qu’avec des bombes et de la violence aveugle. Cependant, il faut rester vigilants et ne pas permettre que les enjeux sortent du cadre strictement sportif dans des revanches de l’histoire ou des dominations passées. Espérons aussi que cet événement et ces rencontres sportives ne soient pas récupérées et manipulées par des générateurs de haine et de racisme dont les propos ou les actes sont insoutenables.
Ce plaidoyer pour la rencontre entre les peuples ne peut cependant permettre de tout cautionner par passion ou aveuglement. Il est donc nécessaire aussi de dénoncer les conditions de travail et de vie de tous les salariés qui ont été exploités pour que cette Coupe du monde puisse avoir lieu. Il faut donc leur rendre un hommage aussi appuyé qu’aux sportifs et aux vainqueurs.
Ces valeurs du sport à vocation universelle sont aussi dénaturées par la démesure des sommes affectées à une minorité de joueurs ou de clubs souvent au détriment des autres et source de frustrations de la part de ceux qui ne peuvent accéder à l’eldorado.
Roland