Le groupe Melchior, propriétaire des Nouvelles Calédoniennes (LNC), le seul quotidien de l’île, mais aussi de IRN (Imprimeries réunies de Nouméa) et Le Gratuit, a demandé sa mise en liquidation. Dans un dernier édito, Olivier Poisson, le rédacteur en chef du journal, confie son immense tristesse de voir disparaître l’unique canard du Caillou après 52…

« Voilà, c’est terminé. Après près de 52 ans d’existence, Les Nouvelles Calédoniennes ont baissé le rideau hier soir. Les salariés, qui ont appris vendredi dernier la mise en liquidation judiciaire du quotidien, mais aussi du Gratuit et des Imprimeries réunies de Nouméa, n’ont même plus le droit de rentrer dans des locaux qu’ils ont fait vivre des décennies durant. Et l’on a beau savoir que c’est la loi, que tout doit être gelé à la date du jugement, cela n’en est pas moins d’une violence inouïe pour ceux qui faisaient encore vivre ces institutions calédoniennes juste quelques heures auparavant.
Plus tard, lorsque l’émotion sera passée, il faudra tirer les enseignements de la disparition du seul quotidien de l’île.
Car que ce soit aux Nouvelles, au Gratuit, aux IRN, tous dans les services ont décidé dès vendredi, une fois le choc de l’annonce passé, qu’ils iraient au bout de l’aventure, qu’ils travailleraient jusqu’à la dernière minute pour apporter des informations, accompagner les annonceurs, avancer sur l’administratif et la comptabilité, finir tant que faire se peut les travaux d’imprimerie… Tous avaient la boule au ventre, mais ils n’ont rien lâché, pour nos partenaires, pour les clients et les annonceurs qui ont été fidèles jusqu’au bout. Ils ont même accepté de poser pour une ultime photo afin de vous dire au revoir à tous.
Oui, ces quelques jours de plus, ils ont réussi à les faire parce qu’ils pensaient aux lecteurs, certes moins nombreux qu’avant, mais toujours aussi attachés à notre titre. Des lecteurs qui ont d’ailleurs été des dizaines à nous envoyer un petit mot empreint de tristesse, pour nous, pour eux-mêmes.
Plus tard, lorsque l’émotion sera passée, il faudra tirer les enseignements de la disparition du seul quotidien de l’île. Et mettre sur la table tous les éléments d’une équation que nous n’avons plus réussi à résoudre ces dernières années. Il faudra parler bien sûr de taille critique : comment un journal peut-il vivre avec 270 000 habitants quand certains autres, dans les départements français, ont des difficultés en s’appuyant sur des bassins qui dépassent le million d’habitants ? Viendra ensuite la problématique de la publicité, qui a été très majoritairement captée par Internet et par les réseaux sociaux. Puis celui du coût des matières premières : le papier, pour ne citer que lui, est désormais acheté à un tarif exorbitant. Quant aux rotatives et autres machines d’impression à plat, elles ne disposent pas d’assez de travail sur un si petit territoire pour être rentables.
En Métropole par exemple, de nombreux journaux ont mutualisé depuis longtemps leurs centres d’impression.
Alors bien sûr, certains diront que Les Nouvelles n’ont pas réussi à se réinventer, pas été assez vite sur le numérique. C’est sans doute vrai, mais ce sont des investissements très importants qui n’auraient de toute manière pas pu être réalisés alors qu’il fallait déjà combler les pertes. La baisse du chiffre d’affaires a été si rapide que nous n’avons tout simplement pas pu, pas su maigrir assez vite. Un journal demande beaucoup de moyens humains, et ceux qui vous diront le contraire ne veulent pas réellement faire de l’information.
Enfin, pour ce dernier édito, je souhaite m’autoriser un message personnel aux équipes qui m’ont accompagné depuis de longues années déjà. Elles ont toujours mis beaucoup de cœur à l’ouvrage et, quoi qu’en disent les haineux, se sont toujours battues pour une certaine vision de l’information, vérifiée, de qualité, non orientée. Et je voulais les remercier pour cela. Une rédaction est une famille, avec ses désaccords, ses perceptions différentes, mais je n’ai connu dans celle-ci que des personnes qui voulaient aller dans le même sens. Nous n’étions pas toujours d’accord sur le chemin à emprunter, mais c’était aussi cela notre richesse. Référendums, Covid, faits divers, enjeux de société ou environnementaux : chacune et chacun avait la volonté de rapporter l’information, mais aussi de l’expliquer, d’essayer de trouver les sachants pour donner des clefs aux lecteurs, pour avancer de manière éclairée vers l’avenir de ce pays.
Un pays qui malheureusement n’a plus voulu de nous. Ou pas assez… »
Olivier Poisson
La fin d’une belle aventure pour le groupe Melchior …
« Réunis en assemblée générale le mercredi 8 mars 2023, la direction et les actionnaires du groupe Melchior ont décidé de demander la mise en liquidation du groupe auprès du Tribunal mixte de commerce de Nouméa », a annoncé la direction du groupe Melchior. Le tribunal se prononcera définitivement le 16 mars.
Par conséquent, Les Nouvelles Calédoniennes, Le Gratuit et les autres supports cesseront de paraître. Les IRN arrêteront leur activité. Seule NRJ Nouvelle-Calédonie continuera d’émettre.
Le groupe Melchior a racheté au groupe Hersant Les Nouvelles Calédoniennes en 2013. Après neuf années de pertes, il a été placé en procédure de sauvegarde le 26 avril 2021. Depuis lors, la construction du plan de sauvegarde s’est articulée autour des objectifs de baisse des coûts, de recherche d’un modèle numérique et de relais de croissance.
Ce plan a été validé fin 2022 et mis en place au 1er janvier 2023.
« Malgré ce plan et toutes les actions mises en œuvre depuis des années, ni le groupe Melchior, ni Les Nouvelles Calédoniennes n’ont pu trouver un modèle économiquement viable et identifier des pistes de rétablissement durable, souligne la direction dans un communiqué. Face à cette situation et conformément aux obligations légales, le groupe a demandé la liquidation pour préserver les droits des salariés. Des centaines de personnes ont contribué à cette aventure, des milliers nous ont soutenus et c’est avec beaucoup de tristesse que nous sommes aujourd’hui contraints de demander cette liquidation.
Le groupe Melchior remercie l’ensemble des équipes et s’attachera durant cette période transitoire à préserver les droits de ses salariés. »
Source : Les Nouvelles Calédoniennes