Grâce à l’intelligence superficielle, je fus avertie de la demande de Peretiteni à Raffin.
Il lui demanda d’abord s’il avait ouï Peretiteni Hau déclarer d’une voix chevrotante : « C’est la fin de l’abondance et la fin de l’insouciance ». Son ministre de la TVA sociale (enfin que Raffin trouvait sociale) lui répliqua que c’était facile à un Président qui venait d’être élu d’annoncer de « mauvaises » nouvelles. « Oui, je vois, répondit Peretiteni Iti, tu penses qu’à quelques mois des élections, un Peretiteni ne devrait pas dire ça ? ». Très gêné, Raffin méditait une réponse : « Majesté, Dieu me garde d’une telle réflexion ». Édouard n’attendit pas la réponse et ordonna : « Il ne faut rien cacher aux Mā’ohi ; et aux autres, il faut leur faire comprendre qu’ils doivent être solidaires des premiers ». Silence.
« Donc, reprit Édouard, tu vas me préparer un discours annonçant la fin de quelque chose, solennellement, pour montrer que moi aussi j’ai la trouille ». Le ministre voulait ajouter « de perdre les élections », mais il se ravisa et laissa poursuivre son supérieur. « Qui d’autre que toi, Raffin serait qualifié pour annoncer la fin, la fin de quoi ? Tu trouveras bien à océaniser le discours Macronéconomique ».
Raffin se mit au travail.
« La fin de l’abondance ? » On ne va quand même pas faire encore un copier-coller, se dit-il. Il faut trouver le bon mot, pas trop éloigné du discours élyséen, pas trop compliqué. Il s’orienta vers un vieux mot de la langue française qui n’était pas inconnu des Mā’ohi. « Oui, Euréka ! C’est la fin de la bombance ! » Il imaginait déjà Édouard sur les chaînes de télé :
« Électrices, électeurs, tout a une fin. En France, c’est la fin de l’abondance. Chez nous, en concordance, c’est la fin de la bombance, de amuroa rahi si vous préférez, ou mieux encore : c’est la fin de la bringue. »
Avant d’aller plus loin, il demanda à son président si l’introduction lui convenait. Édouard réfléchit longuement selon une habitude qui est, chez lui, une seconde nature. De toute façon, pensa-t-il à haute voix, mes électeurs font leurs courses et ils savent déjà tout ça. Est-il besoin d’en rajouter ? Mes opposants s’opposeront… Les syndicats s’étrangleront à la pensée qu’ils ne seront plus subventionnés et le patronat refusera d’être dans un goulot d’étranglement.
« Raffin, dit Peretiteni, appelle Alpha et dis-lui de venir immédiatement avec le matériel. Il comprendra. »
Quelques secondes plus tard, le jeune marié arriva avec un ukulele. Édouard sortit sa guitare et entonna :
« C’est une évidence
Fin de l’abondance,
Qu’est-ce que t’en penses ?
Alors on dance ! »
La Présidence retentit de puissants « Alors on dance ! »[1].
Note :
[1] L’intelligence superficielle suggère que Maeva s’est inspirée de la fable de La Fontaine La cigale et la fourmi, mais avec Maeva on se demandera toujours où elle puise son inspiration.