J’avais consacré déjà un billet à la Première ministre de Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern. Cette dernière s’est rendue célèbre dans le monde entier grâce à diverses mesures (la lutte contre l’islamophobie, contre les discriminations, la protection de la propriété des natifs afin d’éviter des spéculations effrénées, les mesures anti-Covid[1], la lutte contre le tabac…) et aussi…
Comment une jeune femme comme moi n’apprécierait pas Jacinda qui a cassé les codes, comme on dit, et cloué le bec aux hommes qui doutaient qu’une femme pût gouverner. Ces malotrus s’en prenaient de plus à une femme jeune qui se mêlait de politique. Passe encore qu’une Angela Merkel dirige un pays parce qu’à son âge, elle ne risquait pas d’enfanter. Les plus ignobles ajoutaient qu’Angela pouvait être tolérée car, au fond, elle n’avait rien de très féminin ! Mais une femme de 37 ans, voyons, si elle était « normale » éprouverait le besoin de procréer (forcément pour ces goujats, la femme a « envie de pouponner »…). Et je n’évoquerai pas – sauf pour vous – le mépris de ces messieurs pour ce qu’ils appellent notre « instabilité menstruelle »… Alors, évidemment, entre la nature féminine et le traitement des affaires du pays ou des affaires étrangères, il y aurait incompatibilité ! Bien sûr « un homme », lui, peut se consacrer entièrement aux affaires politiques ! Prenez l’exemple du président Clinton. Sa jeune stagiaire ne le distrayait pas de ses devoirs… c’est bien connu.
Voilà pourtant que pendant la campagne électorale qui devait l’amener au pouvoir, Jacinda goûta du repos de la guerrière avec son compagnon et celle qui devait arriver neuf mois plus tard (la petite Neve) se formait lentement dans le ventre de sa mère. Deux bonnes nouvelles arrivèrent en même temps : la victoire et la grossesse. Jacinda géra les deux. Elle gouverna le pays de main de maîtresse et rayonnait de bonheur. Elle se retira six semaines du pouvoir confié à son vice-Premier ministre après son accouchement et le reprit. J’allais dire comme si de rien n’était. Eh bien ! non ! Elle joua son rôle de maman jusqu’à l’ONU, le bébé dans les bras. Je la porte aux nues, cette nana Jacinda. Moi, je n’ai envie ni d’être présidente de mon pays, ni maman, mais si une fille veut faire les deux, moi, je kiffe.

La presse internationale ne tarit pas d’éloges pour les réalisations de Jacinda, pour son empathie à l’égard de ceux qui souffrent. Il faut dire que dans sa jeunesse elle était allée à New York et, bénévolement, participait aux distributions de soupes aux plus démunis. On a même parlé de « jacindamania » dans son pays et à l’étranger. Je ne suis donc pas la seule à la kiffer.
Certes, elle fut parfois moquée pour avoir légiféré sur les pets et les rots du bétail au nom de la protection de la planète. Je n’avais jamais pensé que « buccalement » et analement ovins et bovins étaient plus néfastes que les jets privés !
Plus avant, je vais vous expliquer pourquoi je la kiffe autant. Elle a défendu les droits des femmes dans un pays qui avait été à la pointe de leur prise en compte puisque ce fut la Nouvelle-Zélande qui accorda le droit de vote aux femmes en 1893 (soit 52 ans avant la France). Mais dans ce pays réputé progressiste, les femmes étaient (et sont encore) souvent plus maltraitées qu’ailleurs comme l’ont révélé des films connus (voir L’âme des guerriers) et jusqu’en 2020 l’avortement était considéré comme un crime passible d’une longue peine d’emprisonnement. Jacinda était tellement sensible à cette question que, toute jeune, elle abandonna la religion mormone de ses parents pour protester contre la position de cette Église et devint agnostique[2]. Son gouvernement légalisa l’avortement en mars 2020. Dans d’autres domaines, elle agit pour que l’égalité femmes/hommes ne fût pas qu’un principe. Et ce n’est pas tout à mes yeux. La composition de son gouvernement apporta un véritable renouveau avec des personnes LGBTQ, des représentants des peuples autochtones et bien sûr une quasi-parité entre les sexes. J’ajouterai encore la façon dont elle prépara le budget du pays qu’elle qualifia de « budget bien-être » dont la finalité – conformément à son appellation – était de rendre la vie supportable à toutes et à tous. Je pense aux slogans qu’on entend parfois dans certains pays : « ton budget nous gruge ».
Jacinda avait reçu une formation en communication, voilà pourquoi elle sut expliquer et populariser ses réformes. Elle me semble ressembler au président Zélenski qui, dans un tout autre registre, est aussi un expert en communication.
Jusqu’au bout, elle sut communiquer, notamment par une démission qui l’honore. Quand tant de dirigeant(e)s s’accrochent au pouvoir, vieillards cacochymes[3]parfois, ringards le plus souvent, changent les lois électorales pour rester vingt, trente ans, voire plus au pouvoir, Jacinda jugea utile de se retirer avant de ne plus être dans le coup. « Messieurs qu’on nomme Grands », comme l’écrivait Boris Vian dans Le déserteur, en 1954, prenez-en de la graine.
Alors, Jacinda, je te souhaite beaucoup de bonheur, notamment avec ton compagnon que tu tiens à épouser. Toi au moins qui avait interdit les rassemblements festifs pendant la pandémie, tu as repoussé tes noces… pas comme certains ![4]

Les notes sont préparées selon le vœu de Maeva par l’intelligence superficielle :
[1] Si sa gestion a été saluée universellement, cela n’a pas empêché Donald Trump, un soir de délire sur les vérités alternatives de s’écrier : « Vous avez vu ce qui se passe en Nouvelle-Zélande ? C’est horrible ! Pas de ça chez nous ».
[2] Agnostique = celui qui se soucie comme de l’an 40 de l’existence de Dieu et qui ne cherche pas à voir la main de Dieu quand un footballeur marque un but du bout des doigts.
[3] Cacochyme = vieillard qui, en plus d’être vieux, souffre de maux divers et n’a plus rien pour plaire, ce qui n’empêche pas parfois des mariages incongrus avec une jeunette. Situation qui n’existe pas dans les classes populaires.
[4] Maeva n’a pas voulu préciser davantage mais il semblerait que ce soit clair pour tout le monde. Dont acte.