« LIBRE OPINION » de Gilbert Wane – Après avoir subi deux terribles années de Covid-19, nous voilà repartis maintenant avec les cours mondiaux du pétrole et du gaz qui flambent à cause de la décision d’un SEUL homme : Vladimir Poutine, le tout puissant de la Russie. Puisque cet évènement mondial nous affecte tous avec les prix du carburant, du gaz et de l’électricité qui vont bientôt augmenter ici, j’ai essayé de comprendre le « pourquoi du comment » de cette guerre en Ukraine. A ce sujet, Hubert Védrine reste ma source d’information privilégiée.
Au 24 février 2022, le monde entier est stupéfait : Poutine en mal de sphère d’influence soviétique a effectivement décidé d’envahir l’Ukraine. Comment au 21ième siècle peut-on voir encore un pays européen envahir un autre ? Cela nous rappelle les années sombres d’Adolphe Hitler. Certes, à s’y méprendre, la comparaison est imparfaite. Mais on craint le spectre d’une troisième guerre mondiale, encore à partir de l’Europe comme pour la Première et Seconde guerre mondiale.
Un de mes auteurs préférés Yuval Noah Harari pense que « Si on n’arrête pas Poutine, ce sera dévastateur pour nous tous … la guerre en Ukraine est cruciale pour l’avenir de l’humanité … le plus tragique, c’est qu’elle n’a été voulue que par une personne ».
Poutine qui n’a jamais accepté que l’Ukraine soit devenu indépendant de la Russie, certes avait exigé en vain que l’Ukraine reste neutre et n’intégrera jamais l’OTAN. Il a donc pris prétexte du non-respect des accords de Minsk 1 & 2, pour envahir l’Ukraine dans l’espoir d’installer un « gouvernement fantoche » à la botte de la Russie, tout en menaçant le monde avec l’arme nucléaire (Sic !) de ne pas se mêler des affaires russo-ukrainiennes. Donc c’est l’agresseur (Poutine) qui nous dit : attention, en cas de fiasco militaire si la Russie se sent agressée (« risque existentiel »), je presse le bouton de l’arme nucléaire ! Face à cette menace nucléaire, le monde libre « tremble » et Poutine peut continuer entre temps son massacre des Ukrainiens !
Certes, l’Union soviétique a payé le plus lourd tribu avec ses 25 millions de morts à cause du « fou va-t-en-guerre » Hitler qui, par fierté, a préféré se suicider pour éviter certainement la honte, devant le monde libre, d’être capturé par les « Alliés » et d’être condamné à mort, comme les 24 des principaux responsables du Troisième Reich, accusés de complot, de crimes contre la paix, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité; voir le procès de Nuremberg constituant la première étape de la mise en œuvre d’une juridiction pénale internationale.

D’où, on peut comprendre cette espèce de « psychose paranoïaque » de Poutine qui se sent encerclé par le monde libre, plus exactement par les pays membres de l’Union européenne. Mais qui est le fou qui peut penser un seul instant que la France et ses alliés auraient cette folle ambition d’envahir à terme la Russie ! Poutine n’a-t-il pas plutôt peur que le peuple russe aspire à plus de liberté et de démocratie au même titre que les citoyens de l’Union européenne ?

Pour les géopoliticiens (tel le professeur John Mearsheimer de l’Université de Chicago) qui consentent que Poutine a envahi l’Ukraine pour arrêter l’encerclement de la Russie par les pays du monde libre, mon bon sens me dit que :
Qui a cette arrière-pensée que le monde libre, en l’espèce l’OTAN, veut envahir à terme la Russie ? Rappelons que le « Mur de Berlin » a été érigé pour empêcher les gens de s’enfuir de l’Est le monde opprimé vers l’Ouest le monde libre, et pas dans le sens inverse. La chute du mur de Berlin du 9 au 10 novembre 1989 l’a prouvé au monde entier : ce sont les Allemands de l’Est qui se sont précipités vers l’Ouest, le monde libre. Le cas de l’Ukraine représente une problématique similaire : les 45 millions d’Ukrainiens veulent être rattachés à l’Ouest le monde libre et ne veulent plus faire partie de l’Est le monde russe. Donc quand Poutine déclare qu’il craint une invasion de l’Ouest … il prête à rire à tout le monde, puisque c’est lui justement l’agresseur ! On a tous compris : Poutine dans sa stratégie géopolitique veut à n’importe quel prix conquérir l’Ukraine, un pays plus grand que la France, et d’un coup de baguette magique décréter que les 45 millions de citoyens ukrainiens deviennent maintenant des citoyens russes. En fait, comme il a fait pour la Crimée, face à l’impuissance triste et déroutante de la « communauté internationale », il veut maintenant « annexer » l’Ukraine tout au moins ses parties Sud-Est proches de la Crimée notamment les zones de Donbass (selon John Mearsheimer), Marioupol et Kherson, pour le contrôle géostratégique de l’accès à la Mer Noire.

Comment la Russie peut-elle interdire son pays voisin l’Ukraine de rejoindre le monde libre, juste parce que Poutine craint que la Russie soit envahie (Sic !). Les Ukrainiens (très proches des Russes pour être aussi des slaves orientaux) ne voulant plus subir le joug de la Russie, ont quand même le droit de lorgner les valeurs de liberté et de démocratie comme celles garanties par les pays membres de l’Union européenne et de l’OTAN : c’est le modèle occidental qui est en jeu. Ce n’est pas un pays libre qui risque d’envahir la Russie, mais les forces de la liberté (« Freedom » comme disent les Américains) que Poutine craint justement pour son pouvoir totalitaire qui entretient aussi l’oligarchie russe.
Cette volonté de l’Ukraine de vouloir sortir du joug de la Russie de Poutine me rappelle la France et ses alliés européens qui, durant « l’après-guerre », se sont empressés de convaincre les américains réticents de constituer l’OTAN pour justement contrer cette même menace de l’époque qu’était « l’expansionnisme stalinien ». Selon Hubert Védrine (Thinkerview Géopolitique : Le désastre Français ? chrono 2:42:47) les vrais pères fondateurs de la construction européenne ont été Staline par sa menace expansionniste et le président Truman par sa réponse d’autodéfense via le Plan Marshall ayant abouti à l’OTAN et à la construction européenne. On devrait relire l’histoire en « version originale » du Plan Marshall écrite par l’auteur américain Benn Steil pour mieux comprendre comment déjà en 1944 les américains avaient anticipé la construction européenne avant la fin de la guerre et donc bien avant les prétendus pères fondateurs tels Jean Monnet, Robert Schuman, Konrad Adenauer, Joseph Bech, Johan Willem Beyen, Alcide De Gasperi, et Paul-Henri Spaak. Certes, la « défense européenne » s’impose à l’Union européenne, mais ceux prônant la sortie de la France de l’OTAN, pensent-ils réellement que l’OTAN en première ligne protégeant en priorité l’Europe de l’Ouest, soit dissoute et que les Etats-Unis se retirent pour laisser l’Union européenne seule face à la Russie de Poutine qui a de plus en plus des « visées expansionnistes » comme Staline ? En d’autres termes, à qui profite plus l’OTAN ? Aux Etats-Unis qui finançaient déjà 70% de son budget en 2018 ou aux pays membres de l’OTAN qui, selon Trump, y contribuent insuffisamment ? Voir le graphe ci-dessous pour les dépenses exprimées en % du PIB. N’oublions pas que les Etats-Unis de tendance plutôt « isolationnistes » ont dû par deux fois venir en aide à la France et ses alliés : lors de la Première et lors de la Seconde guerre mondiale. Les cimetières américains de Meuse Argonne et de Colleville-sur-Mer sont là pour nous rappeler le sacrifice des GI. Aujourd’hui, force est de constater que le risque d’un troisième embrasement mondial provient encore du sol européen et pas des États-Unis.

Certes, la Russie est le plus vaste pays au monde avec ses 144 millions d’habitants détenant le deuxième rang mondial après les Etats-Unis et devant l’Iran, en termes de production totale d’énergie fossile (pétrole + gaz + charbon). Mais sur le terrain économique qui est le nerf de la guerre pour le développement à long terme d’un pays, la Russie procure seulement $11 327 de PIB per capita (65ième selon le classement mondial du FMI chiffre 2020) contre $ 21 333 pour la Polynésie française en 2018 (taux 1US$ = 105f). Les polynésiens ont donc un niveau de vie deux fois plus élevé que celui des Russes : cocorico … merci à la France. Même tous les pays voisins (excepté la Bulgarie) qui ont « fui » l’empire soviétique qui s’est effondré en 1991 pour rejoindre illico presto l’Union européenne, ont maintenant un PIB per capita bien plus élevé que celui de la Russie pour 2020 : Slovénie $26 234, Estonie $22 990, République Tchèque $22 850, Slovaquie $19 582, Lituanie $19 143, Lettonie $18 032, Hongrie $16 124, Pologne $15 431, Croatie $14 816, Roumanie $12 285. L’Ukraine malheureusement n’affiche que $4 384 (chiffre 2021).
Pourquoi donc ce triste constat pour la Russie ? Parce qu’elle est corrompue par son pouvoir politique (136ième contre 122ième l’Ukraine sur un total de 180 pays, selon l’Indice 2021 de perception de la corruption de Transparency International : un score plus proche de 0 correspond à plus de corruption, un score plus proche de 100 à moins de corruption) qui privilégie l’oligarchie et les dépenses militaires garantissant sa place de deuxième puissance militaire au monde après les États-Unis. Même en termes de PIB du pays, malgré un immense territoire, son économie est classée 11ième mondiale derrière des plus petits pays européens tels l’Allemagne, l’Angleterre, la France et l’Italie. Son modèle politico-économique est toujours basé sur le rôle majeur de l’État et donc de Poutine lui-même pour :
- le contrôle des principales entreprises du pays ;
- le contrôle des médias indépendants d’opposition comme Dojd et Echo de Moscou ;
- l’entretien de la corruption au plus haut niveau de l’Etat, à commencer par Poutine le tout puissant. Vu ses nombreux avantages étatiques. « Il a le pays entier à sa disposition », écrivait en 2013 le chroniqueur de Bloomberg Opinion, Leonid Bershidsky. Il suffit que Poutine claque des doigts pour que les entreprises publiques cèdent des actifs à ses amis à des prix cassés. Un murmure de sa part, et de riches hommes d’affaires privés se cotiseront pour la somptueuse rénovation d’une résidence présidentielle ».
Maintenant par un effet de boomerang, la Finlande et la Suède, pays voisins de la Russie, par crainte de subir le même sort que l’Ukraine, veulent intégrer l’OTAN, alors qu’elles ont toujours été historiquement neutres dans cette opposition de la Russie face à l’OTAN. De même que l’Union européenne et l’OTAN se sont senties emportées par un élan de cohésion pour mieux défendre ensemble leurs valeurs de liberté et de démocratie.
Si la Russie grâce à sa supériorité militaire écrasante arrive à conquérir l’Ukraine, est-ce que les 44 millions d’ukrainiens (dont 13% d’origine ethnique russe et 1/3 parlant le russe comme langue maternelle), recensés en 2019 représentant la plus forte communauté nationale dans l’espace soviétique (page 132), abandonneront en majorité leur liberté et se laisseront « mater » par la décision d’UNE SEULE personne, Poutine.
Il faut craindre que cette guerre s’enlise dans une « guérilla » où des millions d’ukrainiens anti-Poutine continueront à se battre pour LA LIBERTE et LA SOUVERAINETE de leur pays avec les armes et les munitions fournies par l’Occident : impliquant forcément une escalade de la confrontation militaire directe entre la Russie et l’OTAN.
N’oublions pas que Kiev capitale actuelle de l’Ukraine a été aussi celle de la principauté de Kiev (Rus’ de Kiev 882-1240) qui est le berceau de la civilisation russe.

Pour la Russie, c’est donc une conquête militaire symbolique qui a déjà causé beaucoup de morts civils. Mais avoir à la tête d’une grande puissance nucléaire comme la Russie, un Vladimir Poutine dangereux, humilié et rancunier rêvant de reconstituer l’Empire soviétique qui s’est effondré en 1991, en osant défier l’Occident avec l’arme nucléaire, représente effectivement un sérieux risque permanent de conflit mondial.
Pour certains, la meilleure manière d’arrêter Poutine dans sa folie meurtrière de reconquête SANS risquer un embrasement du monde, est d’espérer un soulèvement le plus tôt du peuple russe contre lui et ses oligarques corrompus constituant sa garde rapprochée. L’écrivain en exil Boris Akounine pense que SEUL le peuple russe peut l’arrêter. Il y a même certains qui espèrent son élimination par certains de son entourage. Mais l’espoir d’une « révolution de palais » est très mince.
En tout cas même si Poutine s’en sortira militairement grand vainqueur de cette agression, les millions d’ukrainiens qui refuseront de subir le joug de l’armée russe, continueront leur guérilla sur l’ensemble de l’Ukraine qui est plus grand que la France.
En effet d’une manière ou d’une autre, Poutine sera traité encore plus en paria et ne sera plus jamais un interlocuteur crédible face au monde libre. Cet autocrate se « moque » royalement de ce que les démocraties occidentales pensent de lui. Par exemple, « le Kremlin a rejeté jeudi 17/03/2022 la décision de la Cour internationale de justice, le plus haut tribunal de l’ONU, qui a ordonné la veille à la Russie de suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine ». Poutine a commis une « gaffe » (« blunder ») selon William Taylor, ancien ambassadeur américain en Ukraine, en sous-estimant la fervente volonté des ukrainiens à rester libres. En bombardant sans relâche les villes et les populations civiles pour arriver à ses fins, il a réussi à convaincre de plus en plus de monde qu’il était un personnage très dangereux pour la stabilité du monde.
Zakka Jacob de Crux tente d’expliquer de manière originale par la théorie des jeux l’issue finale recherchée par Poutine.
Attendons maintenant de voir le dénouement de cette guerre fratricide entre Russes et Ukrainiens, décidée par Poutine seul, en excluant le pire scénario d’une possible guerre nucléaire entre la Russie et l’OTAN :
- soit Poutine arrive à conquérir l’Ukraine en réussissant à prendre la capitale Kiev après avoir malheureusement anéanti les principales autres villes ukrainiennes. Auquel cas, une bonne partie des 45 millions d’ukrainiens se livreront à une guérilla pour leur liberté et continueront à obtenir des fournitures d’armes du monde libre. Avec en plus les sanctions internationales, est-ce que l’économie russe (qui a un PIB équivalent à celui du Texas ; chrono 11:06) pourra tenir, elle qui dépend excessivement de l’exportation de son pétrole-gaz qui a pesé pour 2019 : 20% du PIB ; 40% des recettes du budget fédéral ; 60% des exportations et du secteur public.
- soit Poutine n’arrive pas à conquérir l’Ukraine ; auquel cas pense-t-il vraiment se retirer en « s’en lavant les mains » après avoir déjà anéanti les principales villes et tué beaucoup de civils. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déjà gagné la guerre de l’information contre Poutine. Il a réussi à capter le soutien du monde libre en s’adressant directement au Parlement européen, au Parlement britannique, à la Chambre des communes du Canada, au Congrès américain et au Parlement français. En envahissant l’Ukraine, Poutine a provoqué un « effet cliquet » (processus irréversible ou point de non-retour) et sera isolé des instances de la communauté internationale. Il a sous-estimé la combativité des Ukrainiens et l’appui spontané de l’Union européenne, des Etats-Unis et de l’ONU. Les Ukrainiens par crainte d’être sous le joug de la Russie, voudront définitivement intégrer le plus tôt possible l’Union européenne et à terme l’OTAN. L’avenir économique de la Russie s’annoncent donc très difficile face aux sanctions internationales et certains experts militaires pensent même que Poutine ne survivra pas à ce massacre des Ukrainiens qu’il a osé commettre.
En conclusion, je rejoins la triste conclusion de Nic Robertson, journaliste à CNN qui a couvert la Russie pendant 30 ans : le peuple russe en général n’a pas pu aspirer aux vraies valeurs d’une démocratie à cause d’un Poutine TOUT PUISSANT qui a jugé SEUL que la Russie, corrompue par son oligarchie, n’avait pas d’avenir à rejoindre le cercle des pays libres de l’Occident. Dans une allocution télévisée du 17/03/2022, Poutine s’est dit « convaincu qu’une si naturelle et si nécessaire « autopurification » de la société ne fera que renforcer notre pays, notre solidarité, notre cohésion et notre aptitude à répondre à tous les défis. Et cette « autopurification » passerait par la guerre mais surtout par l’identification de traîtres hypothétiques. » C’est un discours dont les idées principales se rapprochent étrangement à celles promues par Hitler. Quant à Arnold Schwarzenegger, ancien gouverneur de la Californie, acteur et homme politique austro-américain, il s’est adressé aussi le 17/03/2022 directement au peuple russe via Twitter, pour lui « dire la vérité sur la guerre en Ukraine » et dénoncer « la propagande et la désinformation » du Kremlin. C’est un message très fort en direction de la population russe qui, grâce à l’ubiquité du numérique (internet, réseaux sociaux, information en continu), épouse les mêmes valeurs de liberté du monde libre.
Gilbert Wane