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On ne pensait pas le nouveau président indépendantiste adepte des shows macronistes… Et pourtant, Moetai Brotherson a offert, le 23 août dernier, une allocution pendant une heure et demie, seul, depuis son bureau à la Présidence, afin de faire le bilan de ses 100 premiers jours de gouvernance : un exercice assez surprenant sur la forme, peu de mesures concrètes ayant été prises pour l’heure ; et pour le moins facile sur le fond, aucun journaliste n’ayant pu l’interroger ou rebondir sur son intervention. Le lendemain, Peretiteni a organisé un jeu des questions-réponses face à une centaine de personnalités issues de la société civile locale et triées sur le volet par Polynésie la 1ère, seul média autorisé à assister aux débats ! On l’a vu depuis la course aux territoriales, le nouveau pēperu du Fenua utilise beaucoup les réseaux sociaux, avec une approche « à l’américaine » qui peut paraître parfois démagogique, quand la population s’impatiente de ce flou artistique et aspire à de meilleures conditions de vie. Habile en communication, Moetai Brotherson surfe ainsi sur sa popularité et s’entraîne déjà à relever « le défi » des Jeux olympiques, dont les épreuves de surf se dérouleront sur la vague mythique de la Presqu’île de Tahiti dans des conditions assez opaques qui suscitent certaines vives critiques (lire notre dossier « L’impact positif des JO à Teahupo’o : est-ce du pipeau ? »).
Comme on pouvait s’y attendre, aucune réelle annonce n’a été ainsi faite si ce n’est la suppression de la TVA sociale promise dans le programme du Tavini et qui prendra fin le 1er octobre prochain. Cependant, les économistes ne sont pas dupes et s’accordent tous à dire que retirer 1 % sur le prix total de notre panier n’aura que de très peu de répercussions sur notre porte-monnaie. En revanche, la vraie question est désormais : comment trouver les 9 milliards de Fcfp qui étaient perfusés dans la Caisse de protection sociale ? Ce n’est pas gagné, d’autant que Moetai Brotherson a confirmé que les travaux sur la fiscalité et sur la réforme de la Protection sociale généralisée (PSG) ne seront pas enclenchés avant 2024, pour l’exercice 2025. Aussi, apprenait-on il y a quelques jours par nos confrères de Tahiti Infos que les contribuables pourraient encore avoir à mettre prochainement la main à la poche avec une possible augmentation des cotisations de l’assurance maladie.
Un Président optimiste à 100 % !

Le nouveau président de la Polynésie s’affichant exclusivement sur la chaîne de l’État, c’est donc un changement de style radical avec ses anciens homologues qui, eux, s’appuyaient plutôt sur celle du Pays, Tahiti Nui Télévision. Une manière pour Brotherson, peut-être, de rassurer le Gouvernement central et de rattraper les « sorties de route » de son acolyte Anthony Géros et de son beau-père Oscar Temaru. En effet, le premier, président du perchoir, semble avoir bien du mal à accepter de ne pas être le chef du gouvernement. Quant au second, leader du Tavini, il cache à peine ronger son frein quand il voit son gendre parader sur la Terre des Hommes aux côtés de Gérald Darmanin, ministre français de l’Intérieur, allant jusqu’à considérer les sages marquisiens « moins intelligents que les Tiki ». Et de répéter à l’envi que la Polynésie n’a besoin de personne et qu’elle est assez « grande » pour choisir avec qui elle souhaite collaborer… au risque de céder aux sirènes de la Chine.
Quelle ne fut pas notre surprise en effet d’apprendre qu’une conférence est prévue le 6 septembre prochain à l’assemblée de la Polynésie française avec le consul de Chine, Temaru et Géros, sur le thème Chine/Polynésie, pour un développement commun. Selon nos informations, des spécialistes historiens et politiques ont même décliné leur invitation qui prenait des allures de convocation. Dès lors, deux hypothèses sont possibles : ce rapprochement est mis en place pour embêter Moetai Brotherson et le déstabiliser ; ou bien ce dernier laisse faire. Ainsi, si le modèle de développement qui nous est proposé est le modèle chinois, on a trompé les électeurs ! Géros et Temaru défendent le peuple mā’ohi, mais quid des Tibétains, des Ouïghours et des Taïwanais persécutés par l’État chinois ?
Coincé entre le marteau et l’enclume, le lavalava entre deux chaises, Moetai Brotherson se voit forcé de faire le grand écart entre la Macronie et les indépendantises purs et durs, mais affiche toujours un optimisme à toutes épreuves. Soit. Mais, en bon capitaine, il devra s’ancrer dans la réalité, fixer un cap et, surtout, éviter les écueils, même dans son propre camp… Car, comme le disait William Arthur Ward, si le pessimiste se plaint du vent et l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste, lui, ajuste ses voiles.
Ensemble, faisons bouger les lignes… pour un vent de liberté !
Bonne lecture, te aroha ia rahi.
Dominique Schmitt
Il faut remarquer que, lors des deux émissions, le Président Moetai Brotherson a fait le bilan des 100 premiers jours de son gouvernement et non une annonce de tous les projets pour les années à venir . Laissons au gouvernement et à l’Assemblée le temps de finir de mettre en place les grandes lignes pour les années à venir après avoir fait le bilan des gouvernements précédents et évalué ce qui est possible. Ce qui est clair, et que la population apprécie, c’est que beaucoup de mesures ont déjà été prises pour améliorer au mieux le sort de des gens et surtout des plus démunis : petits déjeuners gratuits dans les écoles, passeport « sport » pour les jeunes , « Fare Ora » pour aider les gens à remplir des dossiers et recevoir des conseils santé, équipement de rampes d’accès pour les handicapés moteurs dans les bâtiments du gouvernement, mise en place d’un projet ambitieux de logement pour les classes moyennes et les personnes à faible revenu etc, etc. Ce n’est pas « révolutionnaire » mais c’est beaucoup pour ceux qui ont peu et les mesures sont nombreuses. De plus la communication n’est pas que de la « com » et les gens ont besoin de communication et surtout elle fonctionne dans les deux sens : les députés et les représentants à l’Assemblée recueillent la parole des gens, écoutent leurs doléances. A part cela, bien malin qui « coincera » le Président Moetai, c’est un négociateur hors pair et il prendra tout le temps pour des négociations réalistes et équitables que ce soit en Polynésie ou avec l’Etat, il n’agit pas dans la précipitation. « Wait and see » mais restons optimistes!
Imperturbable ce Moetai, pour le moment.
Mais faudra bien un moment se positionner plus clairement, assumer ses positions qui ont l’air pour le moment en contradiction avec celle des autres leaders de son parti.
Certes l’exercice de la gestion économique et sociale d’un pays n’est pas facile, mais faut un capitaine fort dans le bateau.