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C’est un vrai combat de coqs qui s’annonce pour les élections territoriales, puisque les sept partis politiques inscrits ont tous à leur tête un homme : Tapura (Édouard Fritch), Tavini (Moetai Brotherson), Amuitahiraa o te Nunaa Maohi (Bruno Sandras), A Here Ia Porinetia (Nuihau Laurey), Ia Ora Te Nūna’a (Teva Rohfritsch), Heiura-les-Verts (Jacky Bryant) et Hau Mā’ohi (Tauhiti Nena). Mais derrière chaque grand tane se cachant une vahine, les femmes sont bien présentes au sein des listes électorales. Dans les starting-blocks, les formations en lice vont donc jouer ces prochains jours la dernière ligne droite de cette course au pouvoir. Cependant, force est de constater que celle-ci se dispute à armes inégales. On le sait, l’influence des tavana est très importante au Fenua et on l’a vu aussi lors des meetings, certains groupes ont plus de moyens que d’autres pour convaincre et rassembler leurs supporters.
Et à ce jeu-là, le groupe majoritaire du gouvernement actuel a une belle longueur d’avance sur les « petits partis » ; Édouard Fritch l’a bien compris et brigue un troisième mandat présidentiel du haut de ses 71 ans, après avoir été dans l’ombre de son « maître » Gaston Flosse pendant de longues années. On se souvient que, élu sous la bannière du Taohera’a le 12 septembre 2014, « l’élève » et le gendre avait alors « tué le père » en fondant le Tapura en février 2016. Depuis, le Vieux Lion a du mal à rugir… Et les autres formations politiques peinent à exister ! Seul, le Tavini parvient à faire trembler le parti rouge et blanc, douché l’année dernière par le tsunami bleu aux Législatives qui a fait émerger trois députés indépendantistes. Par la voie du vote, la population a ainsi sévèrement sanctionné et fait déchanter les « tontons bringueurs » du mariage de Tearii Alpha.
Vers une nouvelle culture politique ?
Traditionnellement, les Polynésiens ont souvent voté pour un homme, en suivant leur leader, plutôt qu’un parti et des valeurs. Mais les temps changent. « Tout indique que le temps des Metua devra nécessairement prendre fin. Pour le meilleur et pour le pire… », analyse Jean-Marc Regnault dans un dossier intitulé « Territoriales : est-ce la fin programmée des Metua ? ». Aussi, cela n’augurerait-il pas l’avènement d’une nouvelle culture politique ? Dans ce paysage fait de multiples couleurs, chacun y allant de ses promesses électorales, on a l’impression de pas savoir à quel saint se vouer. Pour nous éclairer, la rédaction de PPM a invité les partis à répondre à trois questions ciblées : 1/ Quelles sont les principaux axes de votre programme politique ? 2/ Pourquoi voter pour votre parti aux prochaines élections ? 3/ Si un second tour est nécessaire, êtes-vous favorable à des alliances ? Dans l’affirmative, avec quel(s) autre(s) parti(s) politique(s) ? Malgré plusieurs relances, certains groupes n’ont pas joué le jeu, tant pis pour eux (lire notre dossier « Territoriales : les partis politiques répondent à nos questions »).
Par ailleurs, en cette année d’élections territoriales, nombreux sont les partis qui mettent en avant la priorité d’emplois pour les Polynésiens (lire notre dossier « Océanisation des cadres et préférence pour le recrutement des résidents polynésiens : vers une « dépopa’aisation » des emplois ? ») et à surfer sur une « vague » qui peut être dangereuse. L’actualité vient en effet de l’illustrer encore avec « l’affaire Mario Banner » qui a pris une tournure politique par l’intervention en personne du président de la Polynésie française auprès du ministre de l’Intérieur, n’hésitant pas à jeter de l’huile sur le feu en agitant le spectre d’une « vaste campagne anti-française » à venir afin de défendre le patron polynésien de la Direction territoriale de la Police nationale visé par deux plaintes. Selon l’avocat Thibaut Millet, le courrier d’Édouard Fritch est « tout simplement irresponsable. Il ne faut pas jouer avec le racisme, c’est un phénomène sérieux qui doit être combattu avec force… ».
Une foire d’empoigne plus qu’une bataille électorale…
Et que dire de la communication du Tapura qui, par exemple, fustige sur les réseaux sociaux la situation de l’île de Nauru et « l’enfer que vivent nos frères et sœurs du Pacifique depuis qu’ils sont devenus indépendants » ? Le parti indépendantiste n’est pas en reste, avec des chefs de file qui brandissent systématiquement les poncifs d’une France coloniale et colonialiste – alors que certains ont été ou sont des fonctionnaires d’État – et sont déjà en train de marchander les parts du gâteau avant d’avoir gagné… Plus qu’une bataille électorale à coups de programmes, on assiste plutôt à une foire d’empoigne… Le clivage Autonomie/Indépendance est pourtant éculé. Gare à la stigmatisation des uns et des autres, mais aussi et surtout à l’ivresse du pouvoir pour ne pas que cela devienne la « Nef des fous » !
Alors, stabilité ou changement ? Chacun en jugera. Les urnes parleront à nouveau le 16 avril prochain ; un second tour sera probablement nécessaire ensuite le 30 avril, avec des alliances possibles. Ce qui est sûr, c’est que les voix ne devraient pas être distribuées de la même manière qu’aux Législatives, les Territoriales ayant comme enjeu majeur d’élire cette fois les représentants de l’assemblée de la Polynésie française, puis notre prochain Président. Gageons que le futur « Capitaine Fenua » saura apporter plus de cohésion sociale et redonner du pouvoir d’achat à la population afin de faire avancer notre pirogue vers des cieux plus heureux.
Ensemble, faisons bouger les lignes… pour un vent de liberté !
Bonne lecture, te aroha ia rahi.
Dominique Schmitt