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Après la victoire des indépendantistes aux élections territoriales, le nouveau gouvernement piloté par Moetai Brotherson a pris ses quartiers à l’assemblée de la Polynésie française (APF) et à la Présidence. Désormais, la population attend le changement politique que va impulser ce Taui 2.0. Le mois de mai ayant été consacré à la passation des dossiers et à la tournée des services, les électeurs guettent maintenant les prochaines mesures concrètes conformément au programme proposé par le Tavini Huiraatira. La première nouveauté a vu le jour dans l’hémicycle avec la prière faite par les représentants fraîchement élus lors de la première séance à l’APF qui a dû faire s’étrangler les puristes de la laïcité… Il s’en est fallu de peu pour qu’Antony Géros ne nous ressorte le crucifix qu’il avait accroché au-dessus de son Perchoir, après avoir été élu aux mêmes fonctions lors du précédent Taui en 2004. On se souvient que cette « croix de la discorde » avait créé une vive polémique à tel point que le Haut-commissaire en personne avait dû intervenir. Pour autant, le nouveau président de l’APF a réaffirmé sur le plateau d’une chaîne locale l’attachement des Polynésiens aux cultes, sans vouloir comprendre, semble-t-il, que la présence de signes religieux n’a pas lieu d’être dans une enceinte parlementaire car cela met au contraire à mal le principe de laïcité. Celui-ci est en effet le seul véritable garant de la liberté religieuse puisqu’il permet le respect de toutes les religions, quelles qu’elles soient, dans les espaces publics. Et Dieu sait que la Polynésie est riche de sa diversité religieuse !

Mais c’est surtout l’affaire Radio Tefana qui a été au cœur de l’actualité ces derniers jours, avec le procès très suivi et médiatisé du leader indépendantiste et de deux autres prévenus. Tous les regards se sont rivés sur Oscar Temaru, présenté comme un modèle de probité après plus de quarante ans de vie politique et dont la défense a consisté à se poser en victime d’un acharnement contre lui et le combat de son parti pour la souveraineté. L’un de ses avocats, Me Thibaud Millet, a même osé dénoncer une volonté « de déstabilisation de la part de certains représentants de l’État », estimant que les poursuites contre son client étaient « l’expression d’un colonialisme anachronique et nauséabond ». Le 24 mai dernier, la relaxe générale a finalement été prononcée ; une décision « historique » qui a suscité un grand soulagement de la part notamment des sympathisants du Tavini. Mais le répit aura été de courte durée : une semaine plus tard, le parquet général a annoncé qu’il allait se pourvoir en Cassation. Un positionnement du ministère public qui ne tend pas à l’apaisement et donne définitivement un caractère politique à l’affaire Radio Tefana. D’ailleurs, on peut se demander si l’issue de cette affaire devant la cour d’appel aurait été différente si les indépendantistes n’avaient pas gagné les Territoriales ? Et la tournure des événements aurait-elle été la même si le procès s’était tenu avant les échéances électorales ? Dans un dossier intitulé « Oscar Temaru devant la Justice : retour sur l’histoire la plus longue du contexte politique en Polynésie », Jean-Marc Regnault fait la chronologie des événements depuis 2018 et s’interroge : « À qui cette affaire profite-t-elle ? À un moment donné, les affaires judiciaires prennent une tournure politique, et il devient impossible de distinguer la légalité et le bon droit politique, quoi qu’on en dise. »

Cap sur un référendum d’autodétermination

Ce qui est certain, c’est que la vague bleue continue de déferler au Fenua. Avec dans ses soutes, trois députés au Parlement français, 38 représentants sur les sièges de l’APF et aujourd’hui une bataille judiciaire gagnée, la pirogue du Tavini a l’horizon bien dégagé et peut voguer tranquillement pendant les cinq prochaines années. La Polynésie est ainsi à un tournant. Alors, quelle direction va prendre le nouveau gouvernement ? « Mettre en œuvre pacifiquement le processus de décolonisation engagé depuis le 17 mai 2013 auprès des Nations Unies » est l’un des éléments fondamentaux de son programme. Voulez-vous que la Polynésie française accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? Telle pourrait être donc la question posée aux résidents polynésiens dans quelques années lors d’un possible vote (lire notre dossier « Le Tavini à la barre : cap sur un référendum d’autodétermination »).

Cette perspective ne risque-t-elle pas de contrarier la stratégie de la France ? Les Polynésiens auront-ils la volonté de rester dans le giron français en conservant le statut actuel de l’autonomie ou souhaiteront-ils prendre le large en votant pour l’indépendance ? Cependant, on le sait, plusieurs courants existent chez les indépendantistes. Celui qui est aujourd’hui porté par le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, considère qu’il faut prendre du temps pour donner au Pays la possibilité de trouver de nouvelles ressources économiques, et ensuite accéder à l’indépendance. Il n’imagine pas de référendum « avant dix ou quinze ans ». Son équipage le suivra-t-il dans cette voie prudente ? L’avenir nous le dira.

Ensemble, faisons bouger les lignes… pour un vent de liberté !

Bonne lecture, te aroha ia rahi.

Dominique Schmitt

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